lundi 28 février 2011

Cernunnos Pagan Fest 5 - Live Paris (23/01/2011)



Cernunnos Pagan Fest V

Paganism(s) ?




Texte, photos et vidéos : Vlad Tepes.
Photos : Metallic.



Moment : 23/01/11.
Lieu : La Machine du Moulin Rouge (Paris 18ème).



A priori, un festival pagan, ce n’est pas vraiment le type d’endroits où je suis censé être. Non pas que je sois totalement étranger à ces cultures antiques retranscrites en musique, et j’ai même envie de dire « Bien au contraire ! ». Mais il faut bien avouer que l’engouement mercantile suscité dans le domaine métallique avait toujours largement généré un agacement certain en moi. Car reconnaissons que parmi ce foisonnement aussi bien de groupes que de labels spécialisés, on ne peut qu’en conserver une infime partie. Comme a pu l’être le black métal à une époque me direz-vous !

Malgré ces fortes réticences, j’assiste pour la seconde année à la cinquième édition de ce Cernunnos Pagan Fest (Belenos m’ayant inexorablement happé en 2010). Après l’Elysée-Montmartre l’année passée, c’est La Machine du Moulin Rouge qui accueille le festival, où je mets d’ailleurs les pieds pour la toute première fois. Et j’avoue que ce ne fut pas sans un sentiment d’étrangeté, moi qui ai tant arpenté la mythique Loco en d’autres temps…



Je commence le festival sur la grande scène avec les irlandais de Mael Mórdha, pratiquant un métal que je qualifierais de brutal-folk. J’entends par-là que le groupe maitrise son sujet dans un registre usé jusqu’à la moelle, où la seule envie qui vient à l’auditeur est de prendre une bière.


Mael Mórdha @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


En résumé, la journée commence par les clichés pagan que je déteste tant, même si Mael Mórdha est très loin d’égaler la triste médiocrité de Vikings’n’Celts qui ont ouvert le festival l’année passée.



Descendant dans la petite salle, c’est à présent aux espagnols de Numen de s’illustrer. Leur registre est clairement ancré dans un black métal virulent, mais qui sera servi par un son médiocre car brouillon.


Numen @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


Et plus le set avancera, et plus cela sera handicapant pour apprécier le rendu. Car Numen exécute sa musique avec ferveur et conviction, à l’image d’un chanteur assez investi. Au final, je ne me serais pas fait prendre par leur musique, mais je reste convaincu que le groupe peut donner une bien meilleure prestation dans d’autres conditions de jeu.





De retour en haut, je découvre avec surprise une prestation entièrement acoustique de Skyforger. De prime abord, le rendu s’avère assez agréable, et les différentes lignes vocales se marient plutôt bien entre elles. Mais au fil des morceaux, un certain ennui est venu me guetter, prenant de plus en plus de place. Car la structure des morceaux devient au final assez répétitive. De plus, jouer une telle musique dans un lieu comme La Machine paraissait clairement contradictoire.


Skyforger @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


On aurait ainsi pu rêver à s’écouter ces contes folkloriques autour d’un bon feu de bois, et je pense que je me serais bien plus plongé dans l’ambiance. Comment ça me trouvez-vous exigeant ?... Pour en revenir à cette première prestation de la soirée de Skyforger, je demeure donc relativement mitigé, car la barrière nous séparant du clichesque s’avérait plutôt mince.







Je redescends très brièvement vers la petite scène pour la prestation de Valland, à laquelle je n’assisterais pas plus de trois minutes montre en main.


Valland @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


En effet, le style pratiqué ne peut être classifié qu’en termes de "bourrin", c’est triste à dire. De plus, les discours du chanteur manquaient quelque peu de modestie tout comme de maturité. A oublier, et vite !



Devant la grande scène, j’attends avec impatience Bran Barr, un des groupes pour lesquels je suis venu ce soir. Après l’excellente prestation de Heol Telwen l’année passée (malgré un son fort mauvais), je n’en attendais pas moins des franciliens cette année. La prestation se sera avérée sans grand défaut, que ce soit en termes d’exécution que de conviction. Et pourtant, la mayonnaise n’aura pas pris me concernant, et ce pour plusieurs points. D’une part, un assez désagréable sentiment de redite se sera fait sentir dans la structure des morceaux, où l’on pouvait littéralement anticiper le riff black métal par exemple.


Bran Barr @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


D’autre part, l’ambiance aura été trop festive à mon goût, à l’image du dernier morceau posé comme un hommage à la bière. Ce qui s’avère comme une faute de goût selon moi représente assez bien ce que je reproche à ce concert, à savoir son manque de sérieux (je ne mentionne cela que concernant l’ambiance, et pas du tout sur les évidentes qualités des musiciens). Dommage…







Je passerais très rapidement sur les allemands de Finsterforst qui condensaient eux-aussi suffisamment de clichés pour maintenir à distance de telles réjouissances.


Finsterforst @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011





Non sans curiosité je me réavance vers la grande scène pour la prestation des roumains de Dordeduh. Et quel voyage ils nous ont proposé ! Dès les premières notes, une ambiance profondément atypique nous prend aussitôt à l’âme.


Dordeduh @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


Classifiée dans le black métal, j’aurais plutôt tendance à écarter une catégorisation aussi restrictive, car la dimension atmosphérique de leur musique va bien au-delà. Même si tous les morceaux ne recélèrent pas tous la même intensité, il y avait suffisamment de feeling et d’inventivité pour captiver l’auditeur et le transporter loin, très loin. J’aurais par contre quelques réticences quant à la découverte d’un tel groupe en live. Car il me semble qu’une musique aussi fine se doit d’être appréhendée au casque pour en saisir toutes les nuances. Et c’est bien ce que je compte faire dans les prochaines semaines si l’occasion m’en est donnée. En tous les cas, les roumains ont su exprimer leur particularité et tirer leur épingle du jeu dans ce festival.







Après la prestation de Dordeduh, il fut très difficile de se concentrer dans la prestation des suédois de Fejd, qui de prime abord ne m’ont jamais bien marqué. Et cela s’est confirmé en live, avec une voix qui a franchement tendance à m’irriter.


Fejd @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


De plus, les structures musicales n’ont vraiment rien démontré de bien avant-gardiste dans le genre, enchainant des plans similaires à la limite de l’auto-plagiat. Je me suis senti bien seul dans cette fosse clairement acquise à la cause des suédois.





Nous voici arrivés au concert que j’attends, celui d’Ataraxia. En effet, si je suis là ce soir, c’est bien pour entendre mes chers italiens. N’étant pas pour autant un haut spécialiste de leur musique, je fais malgré tout partie de la catégorie des grands curieux, suite à trois albums du groupe qui m’ont suffisamment marqués pour m’attirer là ce soir. De plus, les apparitions scéniques du groupe ne sont pas si fréquentes, et d’autant plus dans notre contrée gauloise.


Ataraxia @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


L’affluence vers cette petite scène n’abonde que très peu alors que le groupe exprime ses premières notes. Et tout un ensemble de constats peuvent d’or-et-déjà être faits. D’une part, le son demeure médiocre, manquant de puissance et mettant beaucoup trop en retrait le chant de Francesca Nicoli. L’autre constat, immédiat et évident : la magie opère malgré tout. En effet, Ataraxia présente d’emblée une musique hautement onirique, hypnotisant l’auditeur averti. Durant presque une heure, nous allons voguer à travers différents paysages, et chaque pièce musicale nous plonge dans l’inconnu, prenant au dépourvu pour mieux subjuguer. Ne faisant pas bloc, la prestation saura offrir des visions aussi éphémères qu’indélébiles, d’une puissance évocatrice sans pareil. En effet, Ataraxia propose sur scène un voyage continu et peuplé de différents chapitres, pouvant aller d’une noirceur certaine ("The nine rituals") vers une douce tristesse ("Astimelusa") :




Kremasta Nera (2007) fut particulièrement privilégié ce soir, avec une interprétation aussi riche qu’exploratrice. Une pièce aussi incantatoire que "The nine rituals" est de celles qui donnent la chair de poule, où l’esprit construit abruptement un autel à la gloire de divinités défuntes. Absolument saisissant…

"Efestia" fut totalement revisitée, passant d’une ambiance plutôt solennelle en studio vers une célébration hédoniste sur planches, ce que vous pouvez contempler et ouïr sur ma vidéo personnelle :




L’interprétation de "Klethra" demeura elle aussi remarquable et incarnée, même si bien plus fidèle à la version d’origine :




Il demeure très difficile de décrire un tel concert par des aspects strictement techniques, tellement l’émotion envahit chaque pore. Toutefois, nous pouvons dire qu’en termes d’exécution, il n’y a pas grand chose à redire. Mais le point central demeure évidemment le chant, ce flot d’affects murmuré par Francesca. Cette dernière apparaît dans une expression ouvertement théâtrale, semblant relativement indissociable d’une telle musique. Bien des personnes pourraient être rebutées par autant d’extraversion. En effet, sa voix demeure un trésor tout à fait unique, dont les tonalités ne peuvent séduire tout individu. Et pourtant il me semble que Francesca, au-delà de vocalises tant oniriques qu’atypiques, fut quelque peu bridée. En effet, les conditions de jeu n’auront nullement permis qu’elle puisse s’exprimer aussi librement que souhaité, de par une scène bien trop réduite. De plus, le cadre bien trop moderne et désaffecté de La Machine fait beaucoup trop contraste avec la musique antique d’Ataraxia. En effet, l’entité demeure une mélodie des pierres ancestrales, celles qui portent en leur sein tant d’histoire(s), dans le rejet absolu du contemporain. Soulignons également le manque notoire d’intimisme du lieu, où le son s’éparpille et ne permet pas de tenir la dimension secrète d’Ataraxia. De vieilles ruines ou un théâtre baroque auraient été des lieux absolument parfaits pour une musique si identitairement marquée.


Ataraxia @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


Pour en revenir à Francesca, une femme à la sensibilité si exacerbée, ne me semble pouvoir que s’exprimer pleinement lorsque des brumes rassurantes l’entourent, ce qui malheureusement n’était pas le cas ce soir-là. Mais ne vous méprenez pas, la prestation fut malgré tout des plus remarquables. Mais j’ai tout de même clairement conscience que de bien meilleures prestations peuvent et pourront être offertes à l’avenir… dans des lieux plus propices au rêve…


Ataraxia @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011


Un autre aspect apparaît bien présent en filigrane : la sensualité. En effet, la liberté d’expression de Francesca transmet à l’auditoire une dimension érotique palpable, dont le chant exprime les soubresauts. Certains chapitres de ce voyage ataraxien ont su insuffler une chaleur donnant envie de laisser son âme débrider ses plus intimes rêveries…


En conclusion, Ataraxia aura pratiquement su faire oublier toutes les autres prestations de ce festival, transcendant cette nuit du particularisme qui les habite. Chez eux, la nature ne demeure pas une simple farce mercantile comme chez beaucoup d’autres, mais constitue bien leur âme comme leur cœur.

La musique d’Ataraxia est faite d’antiques pierres scandant du rêve, que chaque pas sur ce sol poussiéreux fait grandir… encore et à jamais.






Set-list Ataraxia :

1) Scarborough fair
2) Belle Jolande
3) Llyr celtico
4) Efestia
5) Astimelusa
6) Klethra
7) Evnyssien
8) Siqillat
9) Ebur
10) Fila la lana
11) May she become
12) The nine rituals



Janvier/Février 2011,
Incanté par Vlad Tepes.



Cernunnos Pagan Fest 5 @ La Machine du Moulin Rouge, Paris 23/01/2011



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