lundi 21 janvier 2013

Interview Blockheads


Blockheads_logo


Prepare for war…



Blockheads



Blockheads c'est : une réputation qui n'est plus à faire, une véritable référence, une légende du grind français et international.
Ça fait déjà un moment que les plus curieux l'attendait, le voilà tout chaud sorti du four : "This World is Dead", le cinquième album du groupe est enfin dispponible.
J'ai eu le grand privilège de pouvoir écouter ce dernier album dans son intégralité et, en toute subjectivité, c'est une véritable tuerie. Je n'ai pas encore trouvé plus juste pour le décrire.
Les fans impatients comprendront certainement ma franche réaction !
Le prochain album de Blockheads va marquer les esprits. C'est moi qui vous le dis (et je ne pense pas prendre trop de risque) !
Bref, une petite interview vaut mieux qu'un grand discours !



I. "This World is Dead"




BLOCKHEADS - 'THIS WORLD IS DEAD' Teaser par RelapseRecords


Peux-tu nous présenter à nouveau le groupe, pour les personnes qui ne seraient pas sorties de leur trou pendant ces deux dernières décennies, ou qui éventuellement n'auraient pas suivi les changements de line up ?

Nico (batteur), et autres membres : Pour faire simple, c’est une bande de potes qui, à la fin des années 80, décide de monter un groupe sans trop se poser de questions. Très influencés par les premiers Napalm Death et Bolt Thrower, le groupe prend tout de suite une orientation Grindcore. Suivirent une démo en 1992, le premier CD en 1996, des concerts un peu partout et surtout une réelle implication pour une passion nommée Grindcore !
"This World Is Dead" est notre cinquième album, pas énorme pour un groupe de Grind en 20 ans d’existence mais on n’est pas très rapides, pour pas mal de raisons, que ce soit nos disponibilités, l’exigence que l’on a envers nos titres ou les changements de line-up. A ce sujet, je ne vais pas décrire tous les changements, mais disons qu’il y en a eu un très gros en 1996, et d’autres assez régulièrement. Les derniers en date, donc depuis "Shapes Of Misery" (2006), sont l’arrivée d’Erik à la basse et le départ de notre second guitariste, Raphael. D’ailleurs ça nous a amené à fonctionner à quatre depuis, et ça marche bien.


Et voilà, "This World is Dead" est sur le point de sortir. Comment vous sentez vous à quelques jours du lancement ?

Très impatients. Nous avons bossé sur ce disque longtemps, enregistré avec le plus d’exigence possible, et pour nous chaque album est un aboutissement. Nous avons fait des choix sur ce disque, en ce qui concerne le son surtout, et on commence à avoir des retours très positifs, c’est vraiment cool.


Nous allons nous étendre un peu plus sur ce dernier album. Tout d'abord où et comment s'est passé l'enregistrement?

Ca a été assez compliqué. Nous sommes allés enregistrer à Genève au Terrier, le studio de Jérôme des Mumakil. C’était un choix logique et clair pour nous depuis l’enregistrement des titres du split avec Mumakil qu’on avait déjà réalisé avec Jérôme.
Par contre, ce que nous n’avions pas prévu, c’était que nous ne pourrions pas être tous les quatre en même temps, pour des soucis de santé ou d’obligations familiales et professionnelles. Donc on a fait quatre sessions, l’une pour la batterie et les guitares en juillet 2011 d’une durée d‘un peu plus d’une semaine, puis on y est retournés en septembre pour la basse et les voix (lead + backings). On y est retournés deux fois, pour faire les derniers backings et compléter le lead puis la dernière session pour le mix. Pas mal d’allers-retours, mais en fait on s’est rendus compte que c’était pas si mal, au niveau de l’intégration des morceaux et de la critique constructive.
On a beaucoup aimé bosser avec Jérôme. Déjà c’est un pote qu’on connaît depuis des années et en plus il a des capacités de concentration sur des murs de Grind en gratte ou basse qui sont assez impressionnantes. Entre nous, on hésitait déjà pas à se dire si ça allait ou pas, et lui en rajoutait encore du style « pas mal mais tu peux le faire plus furax », ceci en effaçant négligemment ce qui venait d’être fait. Il a tout de suite pris à cœur de pondre un gros album, et a su détecter des détails que nous n’entendions pas mais qui changent tout, et tout ça sans aucune tension, ce qui ne veut pas dire sans fatigue…


Peut-on connaître vos principales inspirations et motivations lors de la composition de ce nouvel opus?

La motivation première reste la même depuis le départ de Blockheads. Fureur, énergie, efficacité… Il faut que chaque titre pris individuellement soit une petite bombe. A chaque moment, on s’est remis en question pour trouver ce qui redonnait de la patate au morceau, quit à les travailler très longtemps. Chacun devait péter à la gueule, dans son genre.
Mais il n’y a pas vraiment de démarche de composition comme d’autres groupes peuvent le faire en s’enfermant trois mois pour "composer". Nous travaillons sur des nouveaux morceaux en permanence. Depuis l’enregistrement, nous en avons construit une dizaine de nouveaux, qui vont intégrer petit à petit les concerts, et quand on en aura assez, on se décidera à aller en studio. Ca a toujours été notre démarche.
Au niveau inspirations musicales, chacun apporte sa pierre et comme nous écoutons pas mal de styles différents, l’un va apporter un côté plus Grindcore old-school ou Crust, l’autre une touche Death Metal, tandis qu’un autre va reconstruire le morceau avec une écoute différente et le rendre plus dense, moins monotone. C’est un tout et chacun participe pleinement. C’est aussi pour ça que ça peut prendre du temps…


Dès la première écoute j'ai eu à nouveau le sentiment d'une grande puissance et d'une vraie rage dans cet album. Une claque bien maitrisée ! Pouvez-vous décrire en quelques mots les thèmes exposés, et l'esprit global de ces nouveaux titres ?

Avant tout merci, c’est exactement ce que nous voulions ! Pour les thèmes, chaque titre aborde d’une façon différente la vision commune que nous avons de ce monde sur un sujet particulier. Malheureusement tout va dans le même sens, celui d’une déshumanisation générale et d’une concentration des pouvoirs.
Nous parlons juste de notre monde, le tien et celui de tous. Celui au sujet duquel tellement de choses nous font sursauter ou halluciner lorsque nous entendons les infos. Nous sommes dans un système et une réalité qui est construite de façon à s’autodétruire en mettant au pouvoir l’argent et la puissance, en tout lieu et toute situation. Il y a trop peu de contre-exemples pour nous rassurer malgré les bonnes volontés individuelles, de toute façon écrasées par la réalité et les faits. Mais ce n’est pas nouveau, ces thématiques étaient déjà présentes sur chacun de nos albums.
Ce qui a changé c’est peut-être que nous les exprimons plus furieusement…


D'ailleurs si vous ne deviez garder qu'un seul titre, quel serait-il et pour quelles raisons ?

Alors ça c’est impossible… Nous aimons chaque titre et c’est pour ça qu’ils sont sur l’album ! Tout va dépendre de qui doit répondre à la question déjà entre nous quatre, et aussi largement de l’état d’esprit du moment.
Même si tu nous demandais d’en écarter un tu aurais certainement quatre réponses différentes.


Je me suis arrêtée plusieurs fois sur la pochette. On peut y voir plusieurs détails que l'on n'aperçoit pas forcément au premier coup d'œil. Elle m'a vraiment interpellée. Pourquoi le choix de cette photo, et qui en est à l'origine ?

Le choix de ce visuel a été long. Nous voulions comme à l’habitude une pochette forte, mais aussi décalée car nous apportons une réelle importance à nos visuels. Nous avons pris beaucoup d’informations, cherché pas mal et évincé plusieurs possibilités, pour finalement s'orienter vers une photo de presse. Cette photo hallucinante dans son fond et dans sa forme est l'œuvre d'Eduardo Verdugo (photographe de l'Agence France Presse). Nous avons pris contact avec l’agence pour avoir l'autorisation d'exploiter cette image qui selon nous illustrait parfaitement le titre de notre album.
Il s'agit bien d'un fait réel : en 1998 dans le nord du Pérou, une famille de Trujillo tels des survivants après de violentes inondations découvrent le cimetière de leur village entièrement dévasté par la boue.
Sans dénaturer la photographie, nous l’avons simplement retravaillée pour que le format soit compatible avec les dimensions CD et LP. Ce n’est pas un montage, et c’est ce qui nous a séduits.

Blockheads - This World is Dead (2013)



A l'occasion de la sortie de l'album, vous avez signé chez Relapse Records en Juillet 2012. Comment cela s'est-il passé ? J'imagine que c'est un grand moment pour vous !

L’histoire est simple, pour nous ce label est très lié à tout ce qui nous a fait aimer cette musique. Les groupes qu’ils ont signés, les énormes albums qu’ils ont aidé à sortir et diffuser, naturellement ça nous a semblé le label un peu idéal au bout de tant d’années et c’est un grand plaisir de bosser avec eux. Nous avons toujours voulu faire progresser le groupe, et souvent nous en avons parlé entre nous quant à la direction que nous voulions suivre. Underground ou chercher plus « gros » en clair. Le choix s’est fait aussi en fonction de nos disponibilités, si tu veux avancer vraiment sans le support d’un label solide, c’est possible mais ça consomme un temps important qu’aucun de nous quatre n’a… Donc pour ne pas régresser par manque de temps, nous avons fait ce choix.
C’est nous qui les avons contacté, après la sortie du split avec Mumakil dont nous parlions avant, on s’est dit qu’on avait rien à perdre à leur en parler directement et à leur proposer le nouvel album vu qu’on avait aucun engagement nulle part. En plus c’est vrai qu’en termes de visibilité c’est un avantage important, mais on n’aurait pas accepté même pour cela s’il y avait eu des concessions à faire.
Après au sujet de cette visibilité, nous restons très lucides. Avec nos emplois du temps et nos contraintes professionnelles, on ne partira jamais en tournée des mois, et ce n’est pas le but. Le principal atout c’est de faire connaître Blockheads à ceux qui n’en ont pas eu l’occasion jusque là, et d’aller jouer là ou nous n’avons pas encore été.
Mais c’est clair que pour nous c’est un moment important, nous n’aurions jamais pensé il y a vingt ans travailler un jour avec le label sur lequel sortaient les groupes mythiques que nous écoutions !


Vous avez d'ailleurs présenté il y a quelques jours un des morceaux de l'album, Deindividualized. J'ai pu le voir tourner sur les différents réseaux sociaux et webzines. Quels sont les premiers retours ?


BLOCKHEADS - "Pro-Lifers" Lyric Video par RelapseRecords


Il y a eu plus de réactions sur Youtube à la présentation du titre Pro-lifers à cause du thème abordé. Sur Deindividualized, nous n’avons pas entendu de retour particulier (il est en ligne que depuis quelques jours). Cependant, les premières chroniques de l’album commencent à apparaître sur le net et les réactions sont plus que positives, on est vraiment très contents.


J'imagine que maintenant l'entrée servie, vous êtes plutôt pressés de remonter sur scène pour présenter la galette et envoyer la sauce comme on dit ? D'ailleurs, vos fans ont l'air vraiment motivés à s'en prendre plein la tête. C'est une véritable tribu qui vous suit et qui vous supporte ! Que pensez-vous de ce lien entre vous et ces personnes qui vous soutiennent d'année en année ? Que leur promettez-vous pour les dates à venir ?

Oui c’est clair, on n’est pas un groupe d’album ou de studio, mais un groupe pour qui la dimension live est primordiale. Ceci dit, non on ne va pas présenter la galette, on a fait le point sur la liste des titres qu’on allait jouer, et en fait on a presque rien changé à celle qu’on a faite aux derniers concerts, vu que nous y avions déjà intégré au fur et à mesure les nouveaux titres, même avant qu’ils n’aient été enregistrés. La grosse différence c’est que certains vont les connaître maintenant, et donc pouvoir se lâcher sans la surprise de la découverte.
Oui la motivation des gens qui nous suivent est forte, et c’est une source d’énergie énorme pour nous. On a été surpris à certaines dates éloignées de revoir des têtes connues, et on finit généralement au bar avec eux si on peut. D’ailleurs, c’est aussi pour ça qu’on est aussi intransigeants envers nous-mêmes dans la composition. Nous n’avons pas le droit de présenter des titres médium ou juste passables. C’est aussi bien pour nous que pour eux.
Pour les dates à venir, rien de moins qu’avant. Des blasts, des murs pleins de sueur et des invitations à nous rejoindre dans cette communion Grindcore. On adore voir l’effet que peuvent avoir les titres en concert sur certains, surtout en petite salle où tu as les personnes devant le nez ! Face to Face Rules!



II. Retour sur une longue carrière



Il est vrai que pas mal de groupes vous citent volontiers dans leur références. On a même pu voir cette photo de Barney (Napalm Death) avec un t-shirt à votre effigie. Belle preuve de soutien. J'imagine que vous ressentez tout de même un peu de fierté ?

Napalm Death


Surprise et fierté oui, un peu. C’est surtout étonnant et déroutant de voir des groupes qu’on adulait porter nos t-shirts. Déjà partager l’affiche avec eux était énorme. Je ne dis pas qu’on s’habitue, à chaque fois c’est un peu une surprise, mais c’est aussi ça qui nous fait réaliser que Blockheads, ce qu’on a commencé comme des fans de bruit sans vision à long terme, a grandi, et représente quelque chose pour plein de gens. C’est cette reconnaissance, au même titre que celle des fans dont tu parlais avant, qui fait que nous nous mettons des coups de pied au cul pour avancer.


Un petit retour sur votre carrière, à quelque mois des 20 ans de la sortie de "Haaashaastaak", que retenez-vous de tout ce parcours ? Comment voyez-vous votre évolution ?

On en a pas mal parlé juste avant en fait ! Nous sommes très contents de l’évolution du groupe, qui a dépassé largement tout ce que nous pensions, et maintenant ce « statut » représente pour nous une somme d’exigences. C’est déjà ce que nous répondions en 2001 pour "Human Parade", en 2006 pour "Shapes Of Misery", et là le parcours continue avec encore ses surprises. Déjà personnellement, les choses ont bien changé. La disponibilité est différente, nous avons aussi bougé géographiquement, tout est devenu bien plus complexe. Mais tout est devenu souvent source de bien plus de satisfaction aussi.
Ce qu’on peut retenir de ce parcours, c’est les nombreux concerts qu’on a fait, dans des squats ou des énormes festivals, la rencontre de plein de gens super intéressants, le stress des enregistrements et le plaisir de leur accueil. C’est difficile comme question, parce qu’il y a aussi le côté humain, les anciens membres qu’on a plaisir à revoir et qui suivent l’évolution, les difficultés, les doutes parce qu’il y en a aussi, et au final, des albums qui sortent et remettent le tout sur les rails.
L’évolution future, on ne la calcule pas. On va jouer le plus possible, prendre notre pied en concert et continuer de composer avec en vue le sixième album, qui arrivera quand il sera prêt en espérant que nous tenions physiquement jusque là !!!


Et du coup qu'est-ce que cela vous fait de réécouter cette première démo ?

A l’époque le côté musical était clairement secondaire. Du coup, cette démo sent la fureur, l’envie et surtout toutes les influences de l’époque, jusqu’aux effets sur les chants !
A vrai dire on ne l’écoute pas trop, et de manière générale on n’écoute pas vraiment nos albums… Mais quand on retombe dessus, encore une fois on se dit que c’était le bordel, et on a du mal à se dire qu’on a fait une première partie de Carcass en jouant ça !!! Mais il n’y a pas à avoir honte de ses débuts, l’important c’est d’avoir commencé, et de progresser par la suite.


Quels sont les souvenirs et rencontres qui vous ont particulièrement marqué durant toutes ces années ?

Avec du recul et ces 20 années qui se sont déjà écoulées, il y aurait tellement à raconter… Mais la rencontre avec Miesko lors de dates avec Nasum sur leur tournée Shift fut un grand moment inoubliable.


D'ailleurs après tous ces voyages, et toutes ces tournées, que pensez-vous de la scène française et de vos confrères grindeux ?

On a toujours été un peu à part de la scène française, on a suivi notre petit bonhomme de chemin sans jamais se soucier trop des autres. On est assez peu réceptifs aux histoires et aux qu’en dira-t-on. Dès le début, on a fait notre maximum pour jouer hors de notre région.
On a croisé des gens très cools, vu de très bon groupes (encore actifs aujourd’hui ou non), et souvent ressenti la même envie, la même flamme que celle qui nous portait.
Ce qui nous marque maintenant, c’est aussi le renouveau et l’émergence de groupes qui en veulent à fond et qui ont la même vision que nous du Grindcore. Il nous arrive de jouer avec des groupes et de découvrir des choses très prometteuses. Ensuite c’est en discutant avec eux qu’on prend une baffe, quand on apprend qu’on est parfois devenu une de leurs influences. Ca je crois qu’on n’y était pas préparés !


L'éternel mot de la fin…

Merci pour tout, et bonne continuation au webzine. Vous faites tout ce qu’il faut pour aider les groupes à se faire connaître, donc bravo !
Si vous avez la possibilité de venir nous voir sur scène, on pourra en parler de vive voix après le concert autour d’une bonne bière. Il y a pas mal de dates en perspective mais il est encore un peu tôt pour en parler.

Blockheads - This World is Dead (2013)



Tout est dit ! Un grand merci à Nico et au groupe pour avoir accepté d'en dévoiler plus sur ce nouvel album. Et rendez vous rapidement sur la route !

Je remercie également Relapse Records pour nous avoir proposé cette interview.

Je me permets de rappeler que l'album sort en ce jour du 21 Janvier en France, chez Relapse Records. Les précommandes sont déjà disponibles sur le site de Relapse (ci-dessous) et l'album est en écoute intégrale sur leur Bandcamp : http://www.blockheads.bandcamp.com/

Je rappelle également que Blockheads jouera le 02 mars à Nancy, pour la release-party de l'album, en compagnie de Mumakil et Afgrund. Ils seront également présents à Strasbourg, le 30 mars pour un concert avec Chiens et Ratbomb. D'autres dates sont à venir, ainsi qu'une mini-tournée en République Tchèque. N'hésitez pas à consulter leurs différents sites pour plus d'informations !


Janvier 2013,
Dirigée par Marilou V.






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