The Great Old Ones /
Déluge / Maïeutiste / Moonreich
Ombres prolifiques !
(par Vlad Tepes)
|
Moment : 11/03/17.
Lieu : La Clef (St-Germain-en-Laye, 78).
Lieu : La Clef (St-Germain-en-Laye, 78).
Dans le
domaine des Arts Noirs es Musique, la France a toujours pu compter
sur des labels confidentiels et passionnés. Certains sont aujourd’hui éteints
ou en état de demi-sommeil mais le flambeau est toujours repris. Car
aujourd’hui nous pouvons compter sur Les
Acteurs de l’Ombre, et ce depuis 2009 (le temps passe incroyablement vite
n’est-ce pas ?).
En plus
de réaliser des disques de qualité, le label sait aussi nous gratifier
d’événements scéniques réguliers, et nous devons en premier lieu citer Les Feux
de Beltane, qui a fêté sa seconde édition en mai dernier. Mais parallèlement à
cela, il y a des soirées à ne surtout pas manquer, ce qui fut le cas du 11 mars
dernier : 4 groupes découverts par LADLO, dont un seul a évolué vers
d’autres sphères : il s’agit de The Great Old Ones, dont le dernier opus
"EOD: A Tale of Dark Legacy"
fut signé par Season of Mist.
Mais
avant cela, intéressons-nous à trois bêtes de scène, l’investissant chacun à leur
manière…
Arrivé
en retard à La Clef, nous découvrons avec ma Fée de Sang la dernière moitié du
set de Moonreich : lumières
très sombres (caractéristiques de cette soirée, du moins sur 3 shows) et son
violent. Pas besoin d’échauffement avec le groupe et je fus très rapidement mis
dans la noire ambiance. Très convaincante, la prestation m’est apparue aussi
noire que risquée, avec leurs fameuses compositions alambiquées : Pillar of Detest-World Shroud en est une
excellente preuve, montrant que l’on peut s’amuser avec les genres tout en
écrivant des titres solides (et tout ce qu’il y a de plus sérieux).
Bien
trop courte à mon goût, j’aurais aimé pouvoir m’abreuver de l’intégralité de la
prestation, ce que je rattraperais deux mois plus tard au festival Metal
Culture(s) ! Pour revenir à ce 11 mars, je dirais que Moonreich est un excellent groupe de scène, et surtout une entité
qui a quelque chose à nous communiquer au sein de l’art musical sombre.
N’est-ce pas déjà beaucoup ?
Maïeutiste est un
groupe que j’apprécie énormément. D’ailleurs je me suis réécouté aujourd’hui même
leur démo "Socratic Black Metal" ;
et même si l’exigence était déjà de mise en 2007, elle a su franchir de très
nombreux paliers depuis lors. Après les avoir vus pour la première fois l’année
passée à la première édition des Feux de Beltane, j’éprouvais le désir ardent
de les revoir. Car je fus déjà assez impressionné par ce que j’y avais entendu.
Ainsi
commence un show de Maïeutiste :
« Nous sommes Maïeutiste. Nous sommes le
reflet ! ». C’est ainsi que The
Fall assène sa rythmique mouvante à une audience prise d’assaut. Les
guitares acérées m’ont saisi d’emblée, comme en mai 2016 aux Feux de Beltane,
tout comme l’étrangeté dégagée par l’ensemble, assez insaisissable. Cette
entrée en matière fut des plus convaincantes pour moi, et Reflect/Disappear ne fera pas redescendre l’enthousiasme en moi. Car
la complexité trouvait là le moyen de se déployer, entre furie épique et
trompeuse simplicité.
Peu à
peu l’atmosphère devint plus opaque, avec l’arrivée d’un saxophone pour
accomplir l’introduction d’Absolution.
Quel plaisir d’entendre l’ensemble en live, alors qu’une rythmique tranchante
ne tardera pas à venir s’abattre sur nous. Et là, la folie explose !
J’adore la façon dont ce morceau part de manière tonitruante, avant de retomber
dans une sorte d’épaisse fumée, là où le saxophone revient nous gratifier de
quelques notes parfaitement choisies. Mais cet illusoire apaisement ne tarde
pas à se fendre face à la poussée des violents décibels : une nouvelle
explosion se manifeste, poursuivant sa détermination à meurtrir ma pauvre nuque
hypnotisée.
Une
fois de plus, Maïeutiste change de
cap, nous plongeant dans les méandres d’un doom aspirant, aux accents de
désespérance : Lifeless Visions.
Prenant
comme à chaque fois, il m’aura suffit me laisser tournoyer en son sein, goûtant
à cette mélancolie si chère… avant un final où la colère semble trouver un
ultime sursaut, juste avant un titre que j’apprécie beaucoup : Death to Free Thinkers. Rythmiquement
irrésistible, le chant n’enlèvera rien à mon plaisir, ce qui me conduit au
constat selon lequel je le trouve bien supérieur à celui de l’année passée aux
Feux de Beltane, bien plus organique.
L’heure
était alors déjà venue de clôturer le set avec un tout nouveau titre à paraitre
sur le second opus de Maïeutiste :
Veritas.
Nous
emmenant dans les sphères d’un black métal mélancolique – non sans rappeler les
défunts Hyadningar – j’eus quelque difficulté à entrer dans le morceau ce
soir-là. Mais ceci est assez classique pour ce type de musique, où il est
nécessaire un temps d’adaptation. Pourtant je ressentis quelque chose de très
intéressant en relation à ce nouveau titre, ce qui fut confirmé par mes
nombreuses écoutes ultérieures. En effet l’émotion y apparait forte et
déployée, montrant une toute nouvelle facette de nos chers Maïeutiste.
Pour
conclure, avec un light-show des plus noirs, le spectateur avait donc comme
contrainte de se focaliser sur la musique de Maïeutiste. A ce titre cela me rappelle la prestation de Mournful
Congregation à laquelle j’avais assisté en 2013 à Gand : une noirceur
démotivant n’importe quel photographe, imposant de s’immerger plus que jamais
dans la musique et rien que la musique. La comparaison n’est d’ailleurs pas
faite au hasard du fait de la filiation à identifier sur les passages doom de
la musique de Maïeutiste.
En
synthèse, cette prestation m’est apparue comme supérieure à celle vue
précédemment, tout en conservant tous les éléments qui font l’identité du
groupe. Le nouveau titre Veritas
démontre toute la capacité du groupe à proposer quelque chose de nouveau et à
surprendre. Je pense d’ailleurs que nous sommes loin d’être à la fin de nos
surprises, car le jeu de pistes de genre(s) semble un exercice cher aux membres
du groupe, refusant tout enfermement. Ne nous en plaignons jamais…
Set-list
Maïeutiste :
1) The Fall
2) Reflect/Disappear
3) Absolution
4) Lifeless
Visions
5) Death to Free
Thinkers
6) Veritas
Changement
radical d’ambiance avec le groupe suivant : Déluge. Dans un genre que je qualifierais de post-hardcore, la
thématique diluvienne s’est ressentie à tous les niveaux. Sur ce point je peux
dire que tout est resté parfaitement cohérent. Toutefois j’avoue avoir
rencontré dès le début du show une sorte d’incompatibilité entre mes goûts et
le chant pratiqué par le groupe. J’ai beaucoup de mal à apprécier les chants
typés hardcore en général et avec telle musique j’aurai bien volontiers préféré
un chant typé BM. Avec ce blocage initial, je n’ai malheureusement pas réussi à
entrer dans leur univers. Il m’a semblé que le public est apparu réactif à leur
musique, me laissant bien en dehors de l’instant.
J’attendais la tête d’affiche avec une
impatience non dissimulée, du fait d’avoir été très marqué par leur dernier
opus "EOD: A Tale of Dark Legacy" :
The Great Old Ones. Je les avais vus
pour la toute première fois l’année passée aux Feux de Beltane, mais la fatigue
d’alors ne m’avait pas permis de totalement m’immerger dans le moment. Mais ce
soir du 11 mars 2017, je suis frais comme un gardon, enfin prêt à accueillir
comme il se doit les Grands Anciens !
La
prestation va débuter ni plus ni moins par les quatre premières pistes du
nouvel opus, montrant que The Great Old
Ones vient ici fièrement le défendre et l’exprimer. Après sa courte
introduction Searching for R. Olmstead
démarre en trombe l’excellent The Shadow
over Innsmouth, qui m’aura immédiatement scotché. En effet, sa violence
initiale embarque l’auditeur avec fulgurance dans un monde étrange et hostile. Mais
surtout la première impression qui me fut donnée est la conviction puissante
placée par le groupe dans sa musique, permettant de retranscrire avec justesse
ce qui avait déjà été immortalisé en studio. J’ai donc retrouvé là avec
fidélité le titre studio, agrémenté de bien plus de chair encore. L’équilibre
m’a semblé tout à fait approprié et même jouissif, ce qui ne sera nullement
démenti avec le titre suivant, When the
Stars Align :
Aussi
stellaire que sa version studio, j’ai trouvé que les guitares sont
particulièrement bien ressorties lors de cette interprétation, que ce soit sur
les passages rapides ou plus lents.
Je ne
boudais pas mon plaisir à l’idée d’entendre ensuite The Ritual, titre-fleuve très ambiancé. Je ne fus pas déçu, The Great Old Ones modelant le climat
avec maitrise et talent.
Totalement
dans le ton, le groupe a su alterner entre passages lents et rapides sans la
moindre difficulté, démontrant là toutes ses habiletés techniques. A ce sujet,
la batterie m’est apparue solide et très régulière, dont la sobriété n’a d’égale
que la précision. Au final The Ritual
s’est placé à la hauteur de mes attentes !
Je ne suis pas fou
signait le moment de quitter temporairement le nouvel opus pour aller explorer
les deux premiers opus du groupe. Sans surprise (mais avec régal…) Antarctica s’est abattu sur l’audience,
avec sa lourdeur si caractéristique. Et c’est bien ma nuque qui souffrit à ce
moment particulier ! A chaque fois ce titre fait mouche me concernant, le
trouvant d’une dimension épique qui parle à mon âme. Et ce n’est pas forcément
le cas pour Visions of R’lyeh, qui
lui succédait, mais peut-être est-ce dû à ma connaissance assez lointaine du
tout premier album de The Great Old Ones ?
Je pense que cela est le cas car cette petite baisse de régime me concernant
s’est éteinte dès qu’aura résonné l’instrumental The Ascend. Assez hypnotique, je me suis laissé emporter par sa
fougue, naturellement.
Approchant
du final, le groupe revint nous développer "EOD: A Tale of Dark Legacy" avec deux titres absolument
exquis. Etrangement Mare Infinitum ne
fut pas le dernier titre joué mais bien avant-dernier. Je pinaille mais je
pense que The Great Old Ones ne
voulait peut-être pas clôturer son show par quelque chose de trop lumineux, ce
qui est vraiment très relatif quand on parle de ce type de musique.
Mais
j’ai quand même trouvé que Mare Infinitum
comportait une sorte d’ouverture vers la lumière, ce qui est bien apparu en
live. Son final fut absolument brillant, avec cet aspect céleste que j’évoque
régulièrement au sujet de ce troisième opus. J’ai ressenti une sorte de
plénitude durant ce morceau, une quasi sérénité… ce qui contrastait avec une
brûlante conclusion : In Screams and
Flames. Aussi énergique que sa version studio, The Great Old Ones nous a offert là un final digne d’eux, digne de
leur art musical tout simplement.
Comme
vous l’aurez déjà deviné, cette prestation m’est apparue à la fois très fidèle
au rendu studio mais aussi d’une rare intensité. The Great Old Ones est une entité qui ne triche pas, délivrant une
essence intacte aussi bien en live qu’en studio. Ils ont réussi à m’emmener
dans leur univers à l’inquiétante étrangeté, où la noirceur se couple souvent à
une forme de lumière et de quasi
quiétude. Un grand concert tout simplement, exécuté par des musiciens
maitrisant leurs instruments mais sachant avant tout faire passer l’émotion
avec assurance et sobriété. Je ne me ferai pas prier pour revoir The Great Old Ones sur scène…
Set-list The
Great Old Ones :
Searching
for R. Olmstead
1) The Shadow
over Innsmouth
2) When the
Stars Align
3) The Ritual
Je ne suis pas fou
4) Antarctica
5) Visions of
R’lyeh
6) The Ascend
7) Mare
Infinitum
8) In Screams
and Flames
Juillet/août 2017,
Rédigé par Vlad Tepes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire