Parution : | Format : | Label : | Univers : | Pays : |
Juin 1976 | LP | Varèse Sarabande | Bande originale de film | Etats-Unis |
Line-up :
Composed by Jerry Goldsmith. |
Membres additionnels :
Conducted by Lionel Newman. Performed by The National Philharmonic Orchestra. The Piper Dream sung by Carol Heather. |
"Mais enfin qui est le symbole même de cet orgueil, de qui les orgueilleux sont figure et hérauts, complices et enseignes ? Qui en vérité a agi et peut-être agit encore dans ces murs, au point de nous avertir que les temps sont proches – et de nous consoler, car si les temps sont proches, les souffrances seront certes insoutenables, mais non pas infinies dans le temps, étant donné que le grand cycle de cet univers va d’ici peu s’accomplir ? Oh ! Vous l’avez parfaitement compris, et tremblez d’en dire le nom, parce que c’est aussi le vôtre et vous en avez peur, mais si la peur vous étreint, elle ne m’étreint pas moi, et ce nom je le dirais à très haute voix afin que vos entrailles se tordent d’épouvante et que vos dents claquent jusqu’à vous couper la langue, et que la glace qui se formera dans votre sang fasse tomber un voile sombre sur vos yeux… C’est la Bête immonde, c’est Antéchrist !"
Les fins de cycle ont toujours généré des périodes troublées. Si le Moyen Age a connu les terreurs de l’an Mil, nous aurions pourtant été en droit de croire que notre rationnel 20ème siècle échapperait à ces superstitions obscurantistes de fin du Monde. A y regarder de plus près, il n’en fut rien (non : je ne parle pas du bug de l’an 2000 !). Cela a même commencé dès la fin des années 60, décade libertaire de révoltes autant sociales que spirituelles. Les Rolling Stones avaient déjà flirté avec le Diable (Sympathy For The Devil est inspiré du roman Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov), et le Flower Power, apologie de l’amour universel, allait engendrer sa Némésis, une progéniture en tout point son opposée et qui sonnera le glas de cette douce utopie. En 1968 sort au cinéma l’adaptation du roman de Ira Levin Rosemary’s Baby par Roman Polanski. On y retrouve, dans le rôle fugitif de Lucifer, Anton La Vey, auteur de la Bible Satanique (sortie la même année) et grand pape noir de l’Eglise de Satan (créée la nuit de Walpurgis 1966) qui compte déjà parmi ses membres des célébrités comme Jayne Mansfield ou encore Sammy Davis Junior (notons au passage que le dernier prêtre qu’il ordonnera avant sa mort n’est autre qu’un certain… Brian Warner (aka Marilyn Manson). Un an plus tard, Sharon Tate, la femme de Polanski, est sauvagement assassinée par les membres de la secte de Charles Manson, le fruit pourri du verger hippie, et certains intégristes malveillants y verront une punition divine pour son « pacte avec le Diable ». En 1973, un autre film, L’Exorciste, réalisé par William Friedkin et adapté du roman de William Peter Blatty, va à nouveau remettre l’occultisme à la mode en terrifiant la planète. Trois ans plus tard, un jeune écrivain Américain du nom de David Seltzer publie The Omen (sous le titre La Malédiction en France), un roman basé sur l’Apocalypse de St Jean et contant l’inéluctable destin d’un ambassadeur américain, Robert Thorn, qui, venant de perdre son 1er fils en couches, suit les conseils d’un prêtre bienveillant et adopte un enfant né le même jour (le 6 Juin à 6 heures du matin). Il découvrira bien vite à ses dépends que Damien, l’enfant qu’il vient d’accueillir sous son toit, n’est autre que l’Antéchrist… Le roman remporte un tel succès (tiré à 1 500 000 exemplaires) qu’une adaptation cinématographique est très vite envisagée. Elle sera confiée à Richard Donner (futur réalisateur de Superman, 1978), ou de la tétralogie de L’Arme Fatale (1987, 1989, 1992 & 1998), avec Gregory Peck dans le rôle de Thorn. La bande originale, quant à elle, échoit sous la baguette de Jerry Goldsmith, déjà nominé huit fois aux Oscars pour des films tels que La Planète Des Singes (Franklin J. Schaffner, 1968) ou encore Papillon (Franklin J. Schaffner, 1973). La Messe peut commencer…
La musique de The Omen, comme beaucoup de bandes originales de film, est composée de quelques thèmes récurrents, déclinés au fil du film selon le sentiment qui se dégage de telle ou telle scène. Le principal, le plus inoubliable, celui qui aujourd’hui reste encore gravé dans les mémoires est bien sûr le fabuleux "Ave Satani". Car même si la thématique du film l’imposait, rien n’aurait pu nous laisser imaginer que Jerry Goldsmith allait concrétiser avec un tel brio l’objectif qu’il s’était fixé : composer une Messe Noire. Evidemment, présenté comme ça, ça peut paraître simple, mais il fallait que le résultat tienne ses promesses, à savoir qu’écoutée indépendamment du film, la musique dévoile toute sa noirceur au point de nous foutre la trouille… et c’est le cas. Que ce soit dans le thème générique, dans la scène de la tempête poussant le prêtre Brennan, Judas en quête de rédemption, vers sa sinistre fin, dans l’attaque des molosses dans le vieux cimetière Etrusque ou encore dans celle, plus animale encore, de la dévouée Mrs Baylock pour protéger l’enfant démasqué, les chœurs païens vous possèdent, vous obsèdent et vous poursuivent, tout autant (sinon plus) que les images, encore bien longtemps après écoute. Il en va de même pour la musique proprement dite. Ainsi, dans la scène où ses parents décident d’emmener Damien à l’église (quelle idée…), celle-ci commence simplement, par un thème continu, accentué, qui s’amplifie au fil de l’action. Jerry Goldsmith confiera plus tard s’être inspiré de John Williams et de l’énergie du thème des Dents De La Mer (1976), qui venait alors de sortir : un demi-ton qui va et vient, simple et efficace, qui « pousse » le film. « J’ai toujours pensé qu’un des 1ers rôles de la musique, c’est de soutenir le rythme, de le porter. Elle donne plus d’énergie au film ».
Selon ses dires, Goldsmith ne croit pas avoir été aussi libre de s’aventurer dans un style avant-gardiste depuis La Planète Des Singes (soit neuf ans plus tôt) : « J’ai aimé The Omen pour ça : ce film présentait une gamme qui me permettait de faire ce que je voulais ». Cela lui permet par exemple, dans l’attaque des molosses mentionnée plus haut, d’introduire dans les chœurs « non des chants, mais des grognements, des bruits étranges qui ne sont guère musicaux, mais qui le sont devenus ». L’effet est saisissant : « La tension monte lentement, puis ça devient terrifiant ». Bien sûr, en revoyant le film quelques années plus tard, il admettra avoir obtenu de bons effets avec l’orchestre mais qu’il « referait les choses en plus grand » s’il était amené à retravailler le projet, mais en admettant pourtant que, finalement, le petit budget dont ils disposaient alors leur permettait de faire travailler davantage leur imagination.
Paradoxalement, il arrive que ce soit par son absence qu’une musique se révèle terrifiante. La scène où Thorn doit faire face à son destin en découvrant la marque de naissance de Damien (666) avant de subir la folie furieuse de Mrs Baylock, en est un exemple frappant. « Parfois, mieux vaut en faire moins. La musique accompagnait les plans d’yeux très légèrement. Si j’avais sorti le grand jeu quand elle attaque, il n’y aurait pas eu de surprise ». Ainsi, « le silence est préférable à la musique et personne n’est sur ses gardes. On ne sait pas ce qui va se passer ». Nous nous retrouvons alors projetés au cœur de l’action, vivant la scène non seulement avec nos yeux et oreilles, mais bel et bien avec l’ensemble de nos sens : « J’ai pensé que la musique devait être marquée jusqu’à ce moment. Et tout à coup, quand il y a la réaction, au lieu de continuer à ce rythme, la musique se relâche, se suspend un instant et s’éteint, et vous vous retrouvez avec ce qu’il ressent, sa stupeur, son effroi et toutes les émotions qu’il éprouve. Et juste à ce moment, elle attaque, et c’est effrayant ».
Chef d’œuvre de noirceur, la bande originale de The Omen, avec ces chœurs païens venus d’un autre âge, est bien plus qu’une simple musique : c’est une expérience, un voyage intérieur au sein de nos propres abysses. Plus qu’une musique de film également, dont elle repousse les codes et les limites, allant jusqu’à générer, écoutée indépendamment, ses propres images. Jerry Goldsmith signe là son œuvre majeure, celle qui va lui amener la reconnaissance, plus que méritée, du public et de ses pairs et lui ouvrir grand les portes de la postérité.
Voilà déjà quelques lignes que j’en vois certains parmi vous froncer les sourcils, style « C’est pas un site sur le métal ici ? ». Certes si, ou plutôt non : le Métal n’est qu’une facette de la Culture Sombre que nous prônons en ces pages. Et pour ceux qui ne verraient toujours pas le rapport, voici pêle-mêle quelques éléments pouvant vous aider à faire la jonction : "Ave Satani" a été repris par le groupe Fantômas, un des multiples projets de Mike Patton (Faith No More, Mr Bungle), dans lequel officie également Dave Lombardo (Slayer), sur son album The Director’s Cut (2001) ; Vital Remains, groupe de Death Metal Américain, a utilisé le morceau "The Altar" comme introduction de son album Dawn Of The Apocalypse (1999) ; la bande originale de The Final Conflict - Omen III est, avec "Don’t Break The Oath" de Mercyful Fate, l’un des albums cultes d’un certain... Dani Filth (spéciale dédicace pour l’ami Vlad). Et enfin, pour finir, après avoir vu le film il y a quelques années, un jeune américain s’était mis en tête être l’Antéchrist et passa des heures devant sa glace à inspecter sa chevelure en quête d’un révélateur « triple 6 », ce jeune garçon s’appelait... Trent Reznor, Monsieur Nine Inch Nails en personne, qui vient cette année d’être récompensé aux Oscars pour la bande originale de The Social Network de David Fincher : la boucle est bouclée. Et oui, les Oscars, puisqu’on en parle... Après avoir été de nombreuses fois nominé, c’est donc en 1977 que Jerry Goldsmith va, enfin, obtenir l’Oscar du « Best Original Score » pour The Omen, ainsi que celui de la « Best Song Category » pour "Ave Satani". Cela lui vaudra également une nomination aux Grammy Awards. D’autres nominations aux Oscars suivront, citons par exemple Ces Garçons Qui Venaient Du Brésil (1978), Star Trek (1979) ou encore Poltergeist (1982). Ajoutons enfin que The Omen engendrera deux suites (oublions d’emblée la bouse fumante qu’est Omen IV et l’inutile remake de 2006) : Damien – Omen II (Don Taylor, 1978) et The Final Conflict (Graham Baker, 1981), où nous suivrons Damien, adolescent d’abord découvrant qui Il est et l’étendue de Son pouvoir, puis à l’âge de 33 ans, devant faire face au second avènement du christ alors que lui-même œuvre pour la destruction du Monde… Jerry Goldsmith en signera également les musiques, toutes deux égales à la première, offrant à la Trilogie un triptyque musical d’une parfaite cohérence et à nos repentantes oreilles une œuvre dont la richesse n’égalera que la noirceur, pour notre plus grand plaisir… et pour Sa gloire.
"Disciples du Guet, m’entendez-vous ?
- Nous entendons et obéissons, nous entendons et obéissons…"
"Aux gens avisés de calculer le nombre de la Bête, car c’est le nombre d’un homme, et ce nombre est Six Cent Soixante-Six."
Rédigée par Bloodhound.
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