(Par Vlad Tepes)
Parution : | Format : | Label : | Univers : | Pays : |
Février 2011 | LP | Prophecy Productions | Pathologie sonore ? | Suède |
Line-up :
( ) (aka Kim Carlsson) : Vocaux principaux / Paroles. B (aka Nattdal) : Vocaux / Guitares / Basse / Piano / Paroles. LR : Vocaux additionnels / Paroles. 1853 : Paroles. |
Membres additionnels :
Aucun. |
1. Pour introduire : What a wonderful world…
Lifelover ? Voilà un nom de groupe humant l’ironie à plein nez, nous indiquant très clairement la joviale pochette de leur dernier opus en date, Sjukdom. En effet, l’artwork baigne dans du sang séché, délicatement enrobé de fils barbelés. Les suédois semblent ainsi nous inviter à une fête des plus mal accueillantes, mais non moins intrigantes.
J’écris cette chronique en la qualité de profane absolu du groupe, n’ayant fait jusqu’à présent que glaner ci-et-là quelques morceaux épars. Mais la réputation de Lifelover m’ayant tant mis en appétit, je me suis plongé dans ce Sjukdom comme la misère sur le pauvre monde. J’avais donc certaines attentes, voir même peut-être trop…
Sjukdom signifie sobrement "maladie", ce qui ne révolutionnera pas le concept du métal dépressif. Mais peut-être était-ce la volonté du groupe après tout : être direct et aller droit à l’essentiel ?
En tous les cas, les premières écoutes de ce Sjukdom furent pour moi des plus surprenantes, voir même foncièrement décevantes. En effet, moi qui m’attendais à un joyau de musique maladive, je me trouvais face à un album de métal/rock dépressif décousu. D’un manque évident de structure, je peinais à trouver un fil rouge dans cet amas de fragments.
J’écris cette chronique en la qualité de profane absolu du groupe, n’ayant fait jusqu’à présent que glaner ci-et-là quelques morceaux épars. Mais la réputation de Lifelover m’ayant tant mis en appétit, je me suis plongé dans ce Sjukdom comme la misère sur le pauvre monde. J’avais donc certaines attentes, voir même peut-être trop…
Sjukdom signifie sobrement "maladie", ce qui ne révolutionnera pas le concept du métal dépressif. Mais peut-être était-ce la volonté du groupe après tout : être direct et aller droit à l’essentiel ?
En tous les cas, les premières écoutes de ce Sjukdom furent pour moi des plus surprenantes, voir même foncièrement décevantes. En effet, moi qui m’attendais à un joyau de musique maladive, je me trouvais face à un album de métal/rock dépressif décousu. D’un manque évident de structure, je peinais à trouver un fil rouge dans cet amas de fragments.
2. A la recherche de la structure psychopathologique perdue…
Sjukdom est un opus qui alterne entre passages dépressifs, rage déployée et errances plus romantiques. Certains morceaux auront ainsi une touche clairement issue du métal gothique ("Instrumental asylum", "Horans hora"), orientation qui m’aura semblé la plus étrange pour ce genre musical. Je pense même que c’est cette utilisation stylistique qui arrive au final à découdre Sjukdom. En effet, les éléments gothiques ne font pas corps avec l’ensemble, et cette parure héritée des derniers Katatonia m’apparaît comme contre-nature. L’expression peut paraître quelque peu excessive, mais retranscrit avec fidélité ma pensée.
Sjukdom est un opus qui n’arrive pas à équilibrer les contrastes, passant trop abruptement d’une ambiance à une autre, sans présenter le moindre lien. Et nous ne retrouvons même pas chez les suédois l’aspect provocateur d’un Bethlehem, qui lui pouvait se permettre de casser les structures au sein même de ses propres morceaux (au hasard citons le culte "Aphel - Die Schwarze Schlange", aux sautes d’humeur remarquables ; Dictius Te Necare, 1996). Et le constat est assez amer concernant Lifelover : le groupe n’arrive pas lui-même à structurer les morceaux entre eux. Par exemple un titre comme "Expandera" semble comme perdu au milieu de l’expression rageuse d’une part de "Led by misfortune" et d’autre part de "Homicidal tendencies", ne réalisant aucune jonction entre les deux.
Un questionnement similaire peut nous apparaître en référence à l’enchainement de Instrumental "asylum" et "Utdrag", venant casser la dynamique de l’opus avec une ambiance clairement apaisante, avant de revenir de manière abrupte à une rage qui du coup ne fait pas sens (sur Karma). Dans une telle configuration, il est bien difficile de comprendre où Lifelover souhaite en venir…
Sjukdom est un opus qui n’arrive pas à équilibrer les contrastes, passant trop abruptement d’une ambiance à une autre, sans présenter le moindre lien. Et nous ne retrouvons même pas chez les suédois l’aspect provocateur d’un Bethlehem, qui lui pouvait se permettre de casser les structures au sein même de ses propres morceaux (au hasard citons le culte "Aphel - Die Schwarze Schlange", aux sautes d’humeur remarquables ; Dictius Te Necare, 1996). Et le constat est assez amer concernant Lifelover : le groupe n’arrive pas lui-même à structurer les morceaux entre eux. Par exemple un titre comme "Expandera" semble comme perdu au milieu de l’expression rageuse d’une part de "Led by misfortune" et d’autre part de "Homicidal tendencies", ne réalisant aucune jonction entre les deux.
Un questionnement similaire peut nous apparaître en référence à l’enchainement de Instrumental "asylum" et "Utdrag", venant casser la dynamique de l’opus avec une ambiance clairement apaisante, avant de revenir de manière abrupte à une rage qui du coup ne fait pas sens (sur Karma). Dans une telle configuration, il est bien difficile de comprendre où Lifelover souhaite en venir…
3. Enfants de Bethlehem ?
Lifelover est une entité héritée de Bethlehem, ce n’est point moi qui l’ai inventé. D’ailleurs, la filiation apparaît dans cet opus à travers plus particulièrement certains morceaux rageurs. Ceci est le plus flagrant sur "Totus anctus" et "Karma", se rapprochant d’un "Mein Weg" (Bethlehem, 2004). En effet, nous y retrouvons cette alliance entre une rythmique semblant tout droit sortie de Rammstein et du métal extrême. Toutefois, Lifelover offre avec "Totus anctus" et "Karma" quelque chose de moins plombé qu’aura su proposer Bethlehem, les suédois étant résolument plus rock dans l’approche.
Le lien avec Bethlehem est également perceptible par le caractère maladif de Lifelover, hérité à l’évidence des allemands (et ceci est bien antérieur à Sjukdom, bien entendu). Mais un point met très sérieusement Lifelover en très nette infériorité : le niveau vocal. En effet, malgré l’aspect volontairement torturé que les suédois souhaitent exprimer, seules de maigres pointes arrivent véritablement à atteindre un niveau maladif et prenant pour l’auditeur que je suis ("Homicidal tendencies", "Svart galla", "Led by misfortune", "Doften av tomhet", "Resignation"). Et je parle bien ici de "pointes" car aucun morceau de l’opus n’arrive à présenter des vocaux époustouflants de bout en bout, ce qui m’apparaît comme très curieux. En effet, le vocaliste ( ) arrive parfois à sortir de lui pour éructer des sons étranges, qui meurent aussitôt enfantés. J’ai beaucoup de mal à comprendre ce procédé déclinant, trop instable.
Plus questionnant encore, ce sont ces vocaux que nous retrouvons sur des morceaux tels que "Horans hora", "Totus anctus", "Becksvart frustration" et "Karma". En effet, ils me donnent tous trois le sentiment de vocaux sous-utilisés et totalement bridés (voir même à la limite de l’état grippal sur "Horans hora" !!). Le vocaliste ( ) donne parfois le sentiment de ne pas faire l’effort d’aller plus loin, ce qui est excessivement curieux une fois de plus.
Instrumentalement parlant, nous pourrons regretter l’utilisation d’une boite à rythmes. Cela va à contrario du désir de Lifelover d’offrir une production sale et agressive (1). Un reproche similaire peut être fait avec le piano, comme désincarné et très commun ("Expandera", "Doften av tomhet").
L’autre problématique soulevée par Sjukdom, c’est la place des influences de Lifelover. Car il faut surajouter à Bethlehem et Katatonia d’autres entités trop facilement identifiables à mon goût.
Sur "Bitterljuv kakofoni" (et à moindre mesure sur "Instrumental asylum"), nous noterons des éléments issus de la seconde période d’Anathema (débutant à Eternity, 1996). En effet, nous y reconnaissons des effets de guitare qui ont constitué l’identité du groupe anglais à leur âge d’or, que nous retrouvons ici de manière non dissimulée chez Lifelover.
Sur "Utdrag", il est bien difficile de ne pas penser à Nine Inch Nails et son piano intimiste. Ainsi, ces notes de Lifelover font assez nettement penser à La mer (The fragile, 1999) ou au final de The perfect drug (1997).
Sur "Nedvaknande", c’est plutôt dans Theatre of Tragedy (période Aégis, 1998) que Lifelover va puiser sa rythmique. Car nous assistons là à quelque chose qui sent le réchauffé une fois de plus. Toutefois, ce morceau-ci sera sauvé par l’apport des hurlements en arrière-plan. Ainsi, le contraste établi permet d’aboutir à un résultat assez malsain et vraiment convaincant.
De manière plus insidieuse, la guitare rythmique présente sur "Instrumental asylum" me rappelle immanquablement Darkthrone (période Transilvanian hunger, 1994). J’ai en effet eu le sentiment d’entendre les norvégiens se convertir au métal gothique ! En toute honnêteté, je pense que cette influence aura échappé à Lifelover, et peut-être suis-je même en pleine projection massive. C’est bien pour cela que je place l’influence "Darkthrone" bien à part dans mon argumentation.
Avec des influences aussi manifestes, Sjukdom présente souvent un air de déjà-vu des plus désagréables, comme une sorte de patchwork musical. Lifelover semble avoir pioché ci-et-là des éléments pour les déposer tel quel dans cet opus, sans digestion aucune. J’avoue me gausser à haute volée lorsque je lis que le groupe se trouve persuadé d’être affranchi de toute influence extérieure (1). Naïveté ou inconscience ?
Le lien avec Bethlehem est également perceptible par le caractère maladif de Lifelover, hérité à l’évidence des allemands (et ceci est bien antérieur à Sjukdom, bien entendu). Mais un point met très sérieusement Lifelover en très nette infériorité : le niveau vocal. En effet, malgré l’aspect volontairement torturé que les suédois souhaitent exprimer, seules de maigres pointes arrivent véritablement à atteindre un niveau maladif et prenant pour l’auditeur que je suis ("Homicidal tendencies", "Svart galla", "Led by misfortune", "Doften av tomhet", "Resignation"). Et je parle bien ici de "pointes" car aucun morceau de l’opus n’arrive à présenter des vocaux époustouflants de bout en bout, ce qui m’apparaît comme très curieux. En effet, le vocaliste ( ) arrive parfois à sortir de lui pour éructer des sons étranges, qui meurent aussitôt enfantés. J’ai beaucoup de mal à comprendre ce procédé déclinant, trop instable.
Plus questionnant encore, ce sont ces vocaux que nous retrouvons sur des morceaux tels que "Horans hora", "Totus anctus", "Becksvart frustration" et "Karma". En effet, ils me donnent tous trois le sentiment de vocaux sous-utilisés et totalement bridés (voir même à la limite de l’état grippal sur "Horans hora" !!). Le vocaliste ( ) donne parfois le sentiment de ne pas faire l’effort d’aller plus loin, ce qui est excessivement curieux une fois de plus.
Instrumentalement parlant, nous pourrons regretter l’utilisation d’une boite à rythmes. Cela va à contrario du désir de Lifelover d’offrir une production sale et agressive (1). Un reproche similaire peut être fait avec le piano, comme désincarné et très commun ("Expandera", "Doften av tomhet").
L’autre problématique soulevée par Sjukdom, c’est la place des influences de Lifelover. Car il faut surajouter à Bethlehem et Katatonia d’autres entités trop facilement identifiables à mon goût.
Sur "Bitterljuv kakofoni" (et à moindre mesure sur "Instrumental asylum"), nous noterons des éléments issus de la seconde période d’Anathema (débutant à Eternity, 1996). En effet, nous y reconnaissons des effets de guitare qui ont constitué l’identité du groupe anglais à leur âge d’or, que nous retrouvons ici de manière non dissimulée chez Lifelover.
Sur "Utdrag", il est bien difficile de ne pas penser à Nine Inch Nails et son piano intimiste. Ainsi, ces notes de Lifelover font assez nettement penser à La mer (The fragile, 1999) ou au final de The perfect drug (1997).
Sur "Nedvaknande", c’est plutôt dans Theatre of Tragedy (période Aégis, 1998) que Lifelover va puiser sa rythmique. Car nous assistons là à quelque chose qui sent le réchauffé une fois de plus. Toutefois, ce morceau-ci sera sauvé par l’apport des hurlements en arrière-plan. Ainsi, le contraste établi permet d’aboutir à un résultat assez malsain et vraiment convaincant.
De manière plus insidieuse, la guitare rythmique présente sur "Instrumental asylum" me rappelle immanquablement Darkthrone (période Transilvanian hunger, 1994). J’ai en effet eu le sentiment d’entendre les norvégiens se convertir au métal gothique ! En toute honnêteté, je pense que cette influence aura échappé à Lifelover, et peut-être suis-je même en pleine projection massive. C’est bien pour cela que je place l’influence "Darkthrone" bien à part dans mon argumentation.
Avec des influences aussi manifestes, Sjukdom présente souvent un air de déjà-vu des plus désagréables, comme une sorte de patchwork musical. Lifelover semble avoir pioché ci-et-là des éléments pour les déposer tel quel dans cet opus, sans digestion aucune. J’avoue me gausser à haute volée lorsque je lis que le groupe se trouve persuadé d’être affranchi de toute influence extérieure (1). Naïveté ou inconscience ?
4. Pour conclure : Maladie ?
Passée l’immense déception des premières écoutes, ce Sjukdom est un opus s’appréciant plutôt bien dans la durée, à la seule condition de le considérer comme un album de métal/rock dépressif sans prétention. Il pourra ainsi très nettement venir vous border lors de vos moments de torture, mais n’aura point le pouvoir de vous plonger dans le coma (comme pourrait le faire un Bethlehem).
J’ai vraiment le sentiment d’un album trop vite composé et littéralement bâclé. Car il y a de très bons éléments dans ce Sjukdom, mais noyés sous un classicisme/laxisme excessifs. Le commun prend ainsi très largement le pas sur les lueurs de torture que Lifelover nous laisse parfois entrapercevoir.
Sjukdom aurait tout aussi bien pu constituer un mini-cd plutôt que cet opus de remplissage. Lifelover nous prouve à son insu que la quantité primant sur la qualité amène à une catastrophe mélomaniaque.
Pourtant, nous ne pouvons nier les évidentes qualités de "Homicidal tendencies", "Nedvaknande" ou "Led by misfortune"…
Peut-être vous demanderez-vous pourquoi j’en suis venu à chroniquer cet opus ? Et bien car je trouve que Sjukdom recèle bon nombre d’éléments qui ne demandent qu’à être exploités à leur juste valeur. Et mon intuition me dit que Lifelover peut être bien meilleur et surtout bien plus profond.
Sjukdom est à conseiller à tout amateur de musique torturée, du moins à celui cherchant à s’immerger dans le genre. Car un amateur averti sera nécessairement désabusé devant ce drôle de patchwork, pourtant si prometteur ponctuellement.
Gâchis quand tu nous tiens…
J’ai vraiment le sentiment d’un album trop vite composé et littéralement bâclé. Car il y a de très bons éléments dans ce Sjukdom, mais noyés sous un classicisme/laxisme excessifs. Le commun prend ainsi très largement le pas sur les lueurs de torture que Lifelover nous laisse parfois entrapercevoir.
Sjukdom aurait tout aussi bien pu constituer un mini-cd plutôt que cet opus de remplissage. Lifelover nous prouve à son insu que la quantité primant sur la qualité amène à une catastrophe mélomaniaque.
Pourtant, nous ne pouvons nier les évidentes qualités de "Homicidal tendencies", "Nedvaknande" ou "Led by misfortune"…
Peut-être vous demanderez-vous pourquoi j’en suis venu à chroniquer cet opus ? Et bien car je trouve que Sjukdom recèle bon nombre d’éléments qui ne demandent qu’à être exploités à leur juste valeur. Et mon intuition me dit que Lifelover peut être bien meilleur et surtout bien plus profond.
Sjukdom est à conseiller à tout amateur de musique torturée, du moins à celui cherchant à s’immerger dans le genre. Car un amateur averti sera nécessairement désabusé devant ce drôle de patchwork, pourtant si prometteur ponctuellement.
Gâchis quand tu nous tiens…
Juillet/août 2011,
Rédigée par Vlad Tepes.
Rédigée par Vlad Tepes.
Sources :
(1) Metallian numéro 64 (mars/avril 2011) : Interview de Kim Carlsson.
Myspace
www.myspace.com/lifeloverband
Où se procurer l’objet ?
Prophecy Productions (coffret collector)
Prophecy Productions (digipack)
Amazon
Priceminister
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Où se procurer l’objet ?
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