(Par Lucy Dayrone)
Parution : | Format : | Label : | Univers : | Pays : |
26 mai 2015 | LP | Blood Music | Doom avant-gardiste | France |
Line-up de l'album :
Öxxö Xööx (Laurent Lunoir) : Voix, instrumentation. Rïcïnn (Laure Le Prunenec) : Voix. Isarnos (Thomas Jacquelin) : Batterie. |
Membres additionnels :
Aucun. |
"Nämïdäë" – qui veut dire «
les dernières larmes » dans le fabuleux langage d’Öxxö Xööx – est un surprenant second album. C’est tout
naturellement que je m’attendais à une suite dans la même veine que le premier-né
nommé "Rëvëürt" (soit
« la révolte du cœur »), pourtant si le fond reste le même la forme a
énormément évolué. Une nouveauté qui est la bienvenue, rendant la musique plus
profonde, c’est l’arrivée de Thomas Jacquelin (Anus Mundi, Régiment, Wormfood,
Lugnasad, Vintergeist, ex-Embryonic Cells, Mind Asylum live) alias Isarnos à la batterie. On sent toute la puissance de
l’instrument, ce qui n’était pas le cas avec la batterie programmée sur le
premier opus, et cela donne une toute autre dimension à cet album qui se veut
plus fort, plus percutant. Plus dément aussi.
Si "Rëvëürt" laissait dans son sillage
un parfum de rébellion face aux agissements de l’humain envers la Terre Mère,
nous entraînant dans un silencieux soulèvement des consciences, "Nämïdäë" au contraire laisse couler
une langueur sans nom qui nous embourbe dans la tourmente, pris dans
l’infernale spirale du dualisme. Pour dénoncer une fois de plus le chaos dans
lequel nous tentons d’évoluer, Öxxö Xööx
utilise des sons totalement déjantés juste au-dessus de nappes lourdes et
graves : un doom avant-gardiste qui, en somme, fige l’âme et la matraque.
On accède donc sans mal à la démence ambiante et, comme endoloris, il me semble
pouvoir souffrir du même tourment que l’auteur des textes, Laurent Lunoir alias
Öxxö Xööx. Un partage pas toujours évident à vivre selon les propres événements
de nos vies !
La guitare est plus
mélodique, je l’entends presque comme une troisième voix derrière celle de
Laurent Lunoir et Laure Le Prunenec (alias Rïcïnn). Le synthé se transforme
occasionnellement en marteau piqueur, ce qui pourrait agacer si on écoute le CD
en musique de fond. Cet album est, selon moi, comme un livre audio auquel on
doit nécessairement prêter attention pour en comprendre toutes les harmonies, les
arrangements, ainsi on sait pourquoi tel son vient sur tel mot, pourquoi cette
nappe de synthé douce et planante se place juste ici, pourquoi ce silence juste
là : c’est que sur "Nämïdäë"
rien, absolument rien n’a été laissé au hasard. Tout a un sens, tout se rejoint
et ce « tout » c’est une histoire, celle d’un être tiraillé entre la
peine et la lumière, la déraison et l’espoir.
Ce qui fait toute la
force de cet album c’est, outre la puissante batterie, les arrangements entre
la guitare et les sons électroniques. Il y a une mélodique conversation qui
nous échappe, quelque chose de grand, de profond, chargé d’émotion. Et c’est
bien sur l’émotion que glissent les chants et cris de Laure et Laurent,
toujours aussi bien mélangés à la « texture musicale » si-je puis
dire que pour "Rëvëürt", ce
que j’apprécie énormément. Des voix au cachet unique. C’est selon moi LA touche
des Français d’Öxxö Xööx.
L’album ouvre ses portes
sonores avec Därkäë, le plus long
morceau, qui atteint les onze minutes. Toutefois habillement découpée, cette
piste pleine de « larmes
noires » (traduction du titre) est comme une longue préface du livre
des exaspérations. Le ton est donné, tant pour la musique que le thème :
une révolte du corps et de l’esprit sur des sons plus techniques, qui
déstabilisent assez au premier abord. Mais ainsi la « trame
musicale » est donnée et c’est ce qui nous attendra tout le long de
l’album : un savant mélange de langueur et de folie sonore.
Il est question dans
cette chanson du combat entre l’ombre et la lumière qui nous habite, de cette
volonté de victoire sur tout ce qui nous empoisonne et nous enferme.
LMDLM est un
titre assez singulier, mais qui peut être relatif au nom d’un lieu bien connu
des fans du premier volet de "L’histoire
sans fin" : Les marécages de la mélancolie. On y voyait Atreyu
tenter de sauver son cheval Artax victime de la mélancolie des marécages…
poignante scène.
Ici Öxxö Xööx reprend cette image qu’il transpose sur notre plan
matériel rempli de ténèbres, de démence, d’absurdité. C’est l’avancée d’une âme
à travers la déraison, une âme dont l’amour brille encore au cœur comme une
promesse à travers « le marécage de la mélancolie » :
« MÏ SÜLÏ LÏÜM ÜTÄ ÜNDÏ MÏ
ÖRDË MÏ ÄNÏ ÜRÄ HÜP »
(La seule lumière est en mon cœur
Tant que j’avancerai, il y aura de l’espoir)
Ländäë
signifie « paradis perdu ».
Ce paradis couvert par le voile de notre ego, enfermé dans une prison de chair,
elle-même lacée à l’extrême dans le corset du matérialisme. Difficile sous ce
conséquent amas d’artifices de laisser parler l’amour. Car ce paradis perdu est
la lumière originelle, perdue, oubliée dans cette « solide civilisation de stupidité » (Fündä Lä Sï Cün).
Däï Ï Lün ou « Les larmes des démons de la lune »,
est une autre vision du combat qu’oppose la tourmente à la quiétude. L’homme y
est considéré comme un démon sur cette Terre. L’auteur se sent d’ailleurs. Je
le vois comme un être chargé de lumière tentant d’illuminer le monde par la
prise de conscience.
Mais avec le titre Lör (« Amour »),
on quitte un temps l’exaspération pour la gratitude. Si encore dans cette
chanson on entend le grincement de la balance des pensées, la sérénité qu’offre
ce sentiment si délicieusement offert permet une indication quant au retour à
l’amour, à proprement parler : un parcours fléché depuis l’autre jusqu’à
soi.
Lücï nous
renvoie une fois de plus au retour à l’amour pour écraser les ténèbres de ce
monde. « Lucifer », qui est
le titre de la chanson, est ici prié de redevenir le protecteur de la lumière
et d’ainsi renverser les choses, de la souffrance à l’extase.
Avec le titre Äbÿm, nous faisons face à l’humain
abimé, endommagé, heurté par le conditionnement, qui évolue dans l’obscurité,
l’esprit aussi bien que le corps lacérés par les tourments. Point d’espoir de
façon générale, mais un remerciement que tous les êtres Conscients sauront
reconnaître :
« HÜN ÄË FÜR ÜRÄ ÜNDÏ FÜR ÜNDÜLÏ
HÜN ÄË FÜR ÜRÄ ÜNDÏ FÜN ËLÖ DÖRÏ ÏN FÜR VÄRÏNSÄN ËÏ MÏ
LÄNDÄ
TÄNK »
(A ceux qui possèdent un cœur compassionnant
A ceux qui ont osés penser différemment, revenant aux étoiles
Merci)
Dälëïth, « les larmes de feu ». Ce sont
ces larmes que nos corps font couler : celles du phénix que nous sommes,
prisonnier de cette enveloppe charnelle. Ici la réincarnation est présentée
comme une malédiction et en cascade, l’oubli de notre immortalité.
Û « Vous » ou bien « Toi » c’est selon notre propre
compréhension. Mais j’imagine un message lancé directement à l’individu donc le
« Toi » me va assez bien… Pour terminer cet album de larmes, Öxxö Xööx aura choisi d’enfoncer le
clou concernant nos corps, mais cette fois-ci en nous expliquant pourquoi ils
sont des prisons pour nos esprits. On adhèrera ou pas mais j’aime assez l’idée
que le corps vienne de la terre et notre esprit du ciel. Ceci étant dit, on
comprendra aisément où veut en venir l’auteur par rapport au fait que le mal
est un peu partout ici-bas, nous-mêmes étant un peu bons et mauvais à la fois…
Vous l’aurez donc
compris, côté paroles, "Nämïdäë"
est beaucoup plus sombre, plus dualiste que son prédécesseur "Rëvëürt" qui ne se contentait que
de montrer du doigt (et du cœur) la folle déraison de l’humain face à Mère
Terre. C’est une autre façon de dénoncer l’aliénation générale.
Laurent Lunoir, en plus
de créer la musique, écrire les paroles, chanter, s’occupe également du
graphisme ! Un multi talents qui fait les choses avec cœur (et tripes) de
façon très soignée, ce qui est très appréciable car j’aime examiner l’objet une
fois en mains. Ce digipack en triptyque est une réussite. Il ne contient
toutefois aucun livret mais cela a été décidé pour rendre la musique
directement accessible. On l’aura finalement compris : ce qui compte pour
cet album, c’est le contenu et rien que le contenu, mais plus loin encore,
c’est le ressenti.
Si "Rëvëürt" était dans des tons bleus
et noirs intérieur comme extérieur, "Nämïdäë"
l’est également mais pas pour l’intérieur qui est dans des tons de rouge et de
feu. D’ailleurs j’ai retourné le digipack et ô révélation, j’ai pu y voir le
visage d’un démon… si si, cherchez bien !
Line-up, contacts, deux
remerciements : rien de plus. Ce qui compte, je vous l’ai dit, c’est le
CD, son contenu, le reste n’est qu’un emballage carton magnifiquement illustré
par des volutes de couleurs texturées.
Comment ne pas vous
conseiller cette œuvre si originale, tellement profonde et infiniment
sincère ? Comment ne pas rendre ici hommage au colossal travail fourni sur
ce chef-d’œuvre aux multiples styles, créant une identité si
particulière ? Comment terminer cette chronique en retournant simplement à
mes affaires ? Vous verrez, après écoute, qu’une fois que l’on a effleuré
l’univers d’Öxxö Xööx, nous ne
sommes plus vraiment les mêmes.
Quelque chose a évolué.
Pour le Plus Grand Bien.
Février
2016,
Rédigée par Lucy Dayrone.
Rédigée par Lucy Dayrone.
Liens officiels
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